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dague forgée par lui, afin d’en faire hommage à Joséphin avant leur rentrée dans Paris.


Le franc-taupin conduisit maître Raimbaud dans une chambre haute du cabaret ayant vue sur la grande route, et instruisit l’armurier de la mort de Brigitte, de l’arrestation d’Hêna et d’Ernest Rennepont, emprisonnés comme religieux relaps ; enfin, de la fuite de Christian à La Rochelle. L’espoir du franc-taupin s’était réalisé : la présence de son beau-frère dans la courtille de Robert Estienne ne fut pas soupçonnée ; les dernières perquisitions opérées par les archers en cette demeure la mirent pour quelque temps à l’abri de nouvelles recherches. Le crédit de la princesse Marguerite, le lustre que jetaient sur le règne de François Ier les œuvres merveilleuses de l’imprimerie de Robert Estienne, le sauvèrent cette fois encore (ce devait, hélas ! être la dernière…), le sauvèrent de la haine de ses ennemis ; il ne fut pas inquiété, quoique l’on eût trouvé chez lui cachés un religieux et une religieuse relaps. Christian attendit donc sans péril, à Saint-Ouen, le moment où, guéri de sa blessure par les soins du célèbre chirurgien Ambroise Paré, qui vint secrètement les lui donner, il put partir pour La Rochelle ; le coffret contenant les légendes de la famille Lebrenn avait été prudemment enfoui en terre par le franc-taupin pendant la nuit même où les archers vinrent arrêter Hêna. Lorsque Christian fut en état de se mettre en route, il prit le déguisement d’un porte-balle vendeur de chapelets et de reliques ; ces dévotieux trafics devaient le préserver de nouveaux dangers durant sa route. Et portant sur son dos sa balle, renfermant aussi les reliques de sa famille, il s’achemina vers La Rochelle ; il y arriva sain et sauf, selon une lettre de lui récemment adressée à M. Robert Estienne.

Maître Raimbaud, atterré de ces révélations, car il portait un vif intérêt à Christian et à sa famille, s’écria navré :

— Ah ! pauvre Odelin ! quel coup inattendu pour ce malheureux