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avec surprise, il ajouta : — Mais où diable est niché le franc-taupin ? Il n’est pas au ciel, j’imagine, et la voix semblait venir d’en haut ?

Odelin, non moins étonné que son patron, jetait aussi les yeux autour de lui, lorsqu’il vit sortir du cabaret, qu’ils avaient dépassé, un capucin d’une très-grande stature, le visage presque complètement caché sous le capuchon de son froc brun, et qui se dirigeait à toutes jambes vers les voyageurs.

— Ah ! mon Dieu ! — s’écria Odelin au moment où le capuchon du moine qui accourait vers eux se releva soulevé par le vent, — mon oncle Joséphin s’est fait capucin !

— Tête-Dieu ! — reprit l’armurier, partageant la stupeur de son apprenti, — que le feu de ma forge m’arde, si je m’attendais à cette métamorphose !… le franc-taupin capucin !…

L’aventurier, voyant son neveu, sur lequel il jeta un regard rapide et attendri, se disposer à mettre pied à terre, le prévint du geste et lui dit :

— Reste à cheval, mon enfant. — Et s’adressant à l’armurier :

— Maître Raimbaud, entrons dans ce cabaret ; il y a une écurie pour vos chevaux…

— Faire une halte ici ? Non, pardieu ! j’ai trop de hâte d’aller embrasser ma femme ; tantôt, si vous le voulez, nous viderons un pot de vin chez moi, mon brave pendard ! — répondit l’armurier, se méprenant sur l’invitation du franc-taupin. — Je veux être à Paris avant la fin du jour…

— Maître Raimbaud, vous ne pouvez rentrer à Paris avant la nuit et sans de grandes précautions, — dit tout bas l’aventurier, sans être entendu de son neveu. — Suivez-moi dans ce cabaret, vous mettrez vos chevaux à l’écurie, et je vous apprendrai de tristes nouvelles ; mais pas un mot de ceci à Odelin.

— Allons, soit, — reprit maître Raimbaud en tournant bride, frappé des paroles mystérieuses du franc-taupin et pressentant de fâcheux événements, tandis que l’apprenti, ignorant la confidence