Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 10.djvu/284

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’une des courroies de la valise est à demi débouclée, resserre-la.

— Mon Dieu ! si je l’avais perdue pourtant, ma valise ? — s’écria l’apprenti, devenant pourpre de crainte. Puis, arrêtant sa monture, il se retourna sur sa selle, s’empressa de rajuster la courroie, et énumérant avec une complaisance enfantine les trésors renfermés dans le portemanteau, il reprit : — Si je t’avais perdue, chère valise, adieu mes petits présents… ma bague d’argent ciselé pour ma chère mère, le Quinte-Curce imprimé à Bologne pour mon bon et savant père, mon épingle de vermeil pour ma belle Hêna, mon écritoire de bronze florentin pour le studieux Hervé…

— Et ce fameux flacon de vin d’Imola pour ton oncle le franc-taupin, qui sera ravi de déguster ce nectar d’Italie…

— Ce n’est pas tout, maître Raimbaud ; je rapporte aussi à mon oncle une dague de fin acier de Milan, que j’ai forgée dans l’atelier de messer Gaspard à mes moments perdus… Cher oncle, j’aurais cru l’offenser en ne lui rapportant qu’un flacon !…

— Allons, la courroie est rajustée, remettons-nous en route ; et arrivés au sommet de la côte, nous prendrons le trot, mon impatient… Je dis le trot, entends-tu bien… et non point le galop…

Bientôt maître Raimbaud et son apprenti poursuivirent rapidement leur route ; déjà ils distinguaient au loin à l’horizon les flèches des nombreux clochers des églises de Paris, lorsqu’en passant devant une maison isolée du chemin, et qu’à son enseigne rouillée l’on reconnaissait pour être une auberge, ils entendirent une voix forte leur crier :

— Maître Raimbaud ! Odelin ! holà ! holà !…

— C’est mon oncle ! — dit vivement le jouvenceau en arrêtant soudain son cheval sur ses jarrets, — c’est la voix de mon oncle, je la reconnais !

— Il sera venu à notre rencontre, instruit sans doute par ma femme du jour de notre arrivée, — reprit l’armurier en mettant aussi sa monture au pas. Puis, regardant de ci, de là, autour de lui,