Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 10.djvu/274

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que cette nuit mon beau-frère, sa fille et le jeune moine quittent cette maison, ils n’y seraient plus en sûreté demain.

— Je le crains, — reprit Robert Estienne. — Voici donc ce que je propose : Joséphin va retourner à Paris porter une lettre de moi à l’un de nos pasteurs ; il viendra ce soir recevoir l’abjuration d’Ernest Rennepont et donner la bénédiction nuptiale aux deux fiancés… Aussitôt après, ils se mettront en route avec vous, Christian ; vous prendrez mon cheval, votre fille montera en croupe…

— Et le jeune moine se mettra derrière moi ; je les conduirai jusqu’à cinq ou six heures de Paris… — ajouta le franc-taupin. — Le maquignon qui me prête un cheval était argoulet et l’un de mes anciens camarades de guerre ; il me laissera disposer de son courtaud pendant un jour ou deux ! Mais ces jeunes gens ne peuvent voyager sous leurs habits religieux.

— Ce soir, vous leur rapporterez des habits séculiers, — dit M. Robert Estienne en donnant sa bourse au franc-taupin. — Vous payerez aussi au maquignon le prix de son courtaud ; Ernest Rennepont le gardera et il accompagnera Christian et sa fille à La Rochelle… Là seulement ils seront tous trois en sûreté… Donc, ne perdons pas un moment… vite, à cheval, Joséphin, à cheval !…

L’aventurier sortit précipitamment, jetant sur Hêna et sur Ernest Rennepont un regard attendri ; tous deux, le ciel dans le cœur, ignoraient les nouveaux dangers dont ils étaient menacés.


Il est bientôt minuit ; M. Robert Estienne, Christian, sa fille, Ernest Rennepont et le franc-taupin sont réunis dans le salon de la maison des champs, incertain refuge qu’ils doivent bientôt quitter. Un vieillard à cheveux blancs, pasteur de l’Église évangélique, s’est rendu dans la soirée à l’appel de Robert Estienne, afin de venir recevoir l’abjuration des fiancés, appartenant tous deux à un ordre monastique, et leur donner ensuite la bénédiction nuptiale. Une