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— Cependant, père, ta voix tremble de bonheur… je lis le contentement sur ton visage ?…

— C’est qu’il s’agit de toi.

— De moi ?

— Cette nouvelle si heureuse… si inespérée… te concerne…

— Moi ?

— Te concerne seule…

— Seule, mon père ?…

— Non, non, pas seule… Ce qui est heureux pour toi ne l’est-il pas pour moi ?…

Hêna regarda Christian avec un étonnement profond ; il hésitait à poursuivre, redoutant les suites d’une révélation trop brusque ; il se recueillit un instant et reprit :

— Sais-tu, mon enfant, ce que c’est qu’un pasteur de la religion réformée ?

— C’est, je crois… un ministre de l’Évangile ?

— Oui, les pasteurs répandent la parole évangélique ; mais à l’encontre des prêtres catholiques, les ministres du culte réformé peuvent se marier, goûter les douces joies de la famille, en accomplir les devoirs sacrés…

Un sourire d’une douloureuse amertume effleura les lèvres d’Hêna ; son père la couvait des yeux, il pénétra le fond de ses secrètes et poignantes pensées. Mais si poignantes qu’elles fussent, il s’en applaudit, elles préparaient sa fille à cette révélation qu’il devait entourer de tant de ménagements ; il reprit :

— Ce droit d’être époux et pères, reconnu par l’Église évangélique à ses ministres, a engagé quelques prêtres catholiques, cruellement éprouvés par les rigueurs d’un célibat, outrageant à la fois les vues de Dieu et les fins de l’humanité, à rompre avec l’Église de Rome, à embrasser la réforme, afin de pouvoir ainsi servir le Seigneur comme pasteurs sans renoncer aux doux et saints penchants qu’il a mis au cœur de ses créatures.