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même de toute façon, votre beau-frère le franc-taupin, qui déjà vous a donné tant de preuves de dévouement, peut presque assurément empêcher qu’Odelin ne vous soit enlevé.

— Que le ciel vous entende ! Mais comment faire ?

— L’on n’entre généralement à Paris, en revenant d’Italie, que par la porte de la Bastille.

— Oui, monsieur ; et maître Raimbaud demeurant, comme la plupart des armuriers, dans le voisinage de cette forteresse, rentrera presque certainement par le faubourg Saint-Antoine.

— Il faudra donc que le franc-taupin, si dame Raimbaud est instruite du prochain retour de son mari, reste de guet sur la route d’Italie ou aux abords de la Bastille, afin de guetter l’arrivée de votre fils, de l’empêcher d’entrer à Paris et de lui remettre une lettre de vous qui l’engagerait à aller vous rejoindre à La Rochelle ; je me chargerai d’assurer les moyens de voyage d’Odelin. En sûreté près de vous, il continuera son métier d’armurier, car maintenant, Christian, je partage vos prévisions… les temps approchent où, plus que jamais, seront occupés ceux-là qui forgent les armes de guerre !… Allons, pauvre père, du courage !… vous le voyez, il vous en faut, et beaucoup, pour amener la réussite de nos divers projets, pour assurer le bonheur de ceux qui vous sont chers…

— Ce courage, je l’aurai, monsieur Estienne… Ah ! comment vous témoigner ma reconnaissance ?

— Mon ami, depuis deux générations, votre famille et la mienne se sont mutuellement rendu assez de services pour qu’il soit maintenant impossible de dire de quel côté se trouvent les obligés… Ne perdons pas un moment, conduisez-moi auprès d’Ernest Rennepont ; dès que je connaîtrai sa résolution, je vous en ferai part ; vous pourrez alors proposer ce mariage à votre fille avec les plus grands ménagements, car dans son état de faiblesse et de souffrance, il faut lui épargner de trop vives émotions.

Christian conduisit M. Robert Estienne auprès du jeune moine,