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— Merci à vous, monsieur Estienne, merci ! vos paroles me raniment, me réconfortent. Oui, ce projet, qui arracherait ma fille au désespoir qui la tue… ce projet, hélas ! est loin d’être accompli…

— Voici mon avis : je vais, si cette démarche vous embarrasse, aller trouver Ernest Rennepont, lui proposer d’embrasser la réforme, de devenir pasteur de la nouvelle Église, en un mot de réaliser son rêve, si Hêna acceptait cette union. Certain du consentement d’Ernest Rennepont, vous vous rendez près de votre fille ; sa réponse ne saurait, selon, moi, être douteuse. Le mariage convenu, il faut se hâter ; la disparition d’Hêna, la restitution forcée de vos papiers de famille, vont redoubler l’ardeur de vos persécuteurs ; vous ne serez pas, je le crains, longtemps en sûreté, vous, votre fille et son époux, dans le voisinage de Paris. Voici à quoi j’avais déjà songé, dans le cas où cette retraite-ci ne vous offrirait plus assez de sécurité : j’ai un ami imprimeur à La Rochelle, ville fortifiée, riche, industrieuse, bien armée, complètement vouée à la réforme, et assez confiante dans la puissance de ses franchises municipales, dans ses remparts et dans le courage de ses nombreux habitants pour défier nos ennemis ; vous serez là, vous et les vôtres, en pleine sécurité ; vous pourrez y vivre du fruit de votre travail ; mieux que personne, je sais combien vous êtes habile dans votre art. Enfin, si vous devez quitter Paris avant le retour de votre fils Odelin…

— Ah ! monsieur Estienne, je tremble en songeant que Lefèvre épie la venue de ce malheureux enfant pour me l’enlever… quel coup pour moi !… Je n’ai plus qu’un fils maintenant !…

— Je veillerai sur lui de mon côté. Maître Raimbaud l’armurier ne peut, m’avez-vous dit, beaucoup tarder à revenir d’Italie ?

— Non, monsieur ! il devait arriver à Paris avant l’année prochaine, et nous voici à la fin de décembre.

— J’irai dès demain chez dame Raimbaud, peut-être son mari l’aura-t-il instruite du jour probable de son retour ; en ce cas, et