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— Ces fragments de journal écrits par ce malheureux moine font mention d’un rêve dans lequel il se voyait pasteur de la religion évangélique, époux d’Hêna, et donnant ainsi qu’elle l’instruction aux enfants…

— Ce serait Luther marié ! — s’écria Robert Estienne. — Pourquoi Ernest Rennepont n’imiterait-il pas l’exemple de Luther ?…

— Ah ! monsieur ! — murmura Christian en portant les deux mains à son front brûlant, — l’espoir, le doute, troublent ma raison… je n’ose m’abandonner à cette pensée, de crainte d’une affreuse déception…

— Mon ami, de grâce, raisonnons avec calme… dominez un moment vos angoisses paternelles… Ce jeune moine est un homme de bien, un homme de cœur, nous ne pouvons en douter ; sa conduite dans ces tristes et dernières circonstances n’a-t-elle pas augmenté votre estime pour lui ?

— C’est la vérité.

— Son pur et noble amour pour Hêna honorerait, il vous l’a dit, tout honnête homme ?

— Je le crois fermement depuis que j’ai lu ces pages qu’Ernest Rennepont pensait écrire pour lui seul…

— Maintenant, mon ami, admettons qu’il embrasse la réforme… son savoir, ses bonnes mœurs, son penchant pour l’éducation des enfants, le rendraient digne d’être ministre de la nouvelle Église ; aussi, j’en suis presque certain, nos amis le proposeraient avec joie à l’élection de nos frères, et ceux-ci l’acclameraient pasteur, car jamais la parole évangélique n’aurait de plus digne interprète.

— Ah ! monsieur Estienne, de grâce, n’ouvrez pas mon cœur à une suprême espérance, peut-être décevante !

— Hélas ! ce pauvre et digne cœur a depuis quelques mois tant souffert, que je comprends votre hésitation devant un consolant espoir ; mais réfléchissez, vous le reconnaîtrez, cet espoir n’a rien d’exagéré… Résumons-nous : Ernest Rennepont renonce à son