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reprit : — Hervé est entré au couvent des Cordeliers… non contre son gré… oh ! non, mais avec joie !… il ne quittera plus fra‑Girard, le démon qui l’a perdu… L’on guette mon fils Odelin à son retour d’Italie… Hélas ! il est en route, il m’a été impossible de prévenir maître Raimbaud, ne sachant où lui adresser mes lettres.

— Juste ciel ! — s’écria Robert Estienne, frappé d’un souvenir soudain et interrompant Christian, — plus de doute…

— Plus de doute… sur quoi, monsieur Estienne ?

— Tout à l’heure, en lisant cette note, qui m’épouvantait, en vous écoutant me raconter comment les instructions d’Ignace de Loyola avaient été suivies, je m’étonnais de ce que, même en ces tristes temps où la liberté, la vie des citoyens est à la merci du bon ou du mauvais vouloir du cardinal Duprat et de son infâme instrument, le lieutenant criminel Jean Morin, ce complot tramé contre votre famille eût été si facilement exécuté ; maintenant, je ne m’en étonne plus, Ignace de Loyola exerce une toute-puissante influence sur le cardinal Duprat.

— Ah ! déjà la société de Jésus est à l’œuvre ?…

— N’en doutez pas !… La dernière fois que je suis allé supplier la princesse Marguerite d’intercéder en faveur de Marie-la-Catelle, de Jean Dubourg, de Laforge et autres de nos amis…

— Monsieur Estienne, nos chagrins nous font parfois oublier ceux des personnes qui nous sont chères… Espère-t-on sauver Marie et nos amis ?

— Depuis leur arrestation, le parlement instruit leur procès ; cette lenteur laisse encore quelque espoir ; mais, la princesse Marguerite ne me l’a pas caché, François Ier se montre de plus en plus irrité contre les réformés, qui veulent, selon le cardinal Duprat, se rebeller contre le pouvoir royal et se cantonner en république, à l’imitation des Suisses. Pour en revenir à Loyola, la princesse Marguerite, lors de notre dernière entrevue, m’a dit : « — Quel est donc ce gentilhomme espagnol, jeune encore et boiteux, qui, presque