Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 10.djvu/250

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

s’étaient rencontrés à la taverne du Vin Pineau, Michel (jardinier de M. Robert Estienne), de retour des champs vers la fin de la journée, fort contrarié de ne pas trouver sa femme Alison au logis, dont elle avait emporté la clef, maugréait, tempêtait en soufflant dans ses doigts engourdis par la froidure de décembre ; enfin il vit sa femme, revenant du village sans doute, se diriger vers la grille.

— Où diable es-tu allée ? — cria Michel à Alison du plus loin qu’il l’aperçut. — Ne pouvais-tu, du moins, laisser la clef à la porte de la maison ?

— J’étais allée… à confesse, — répondit la jardinière, évitant le regard de son mari et poussant la grille. — J’avais emporté la clef parce que tu étais aux champs.

— À confesse… à confesse… — reprit Michel, grommelant ; — et moi, je me morfondais…

— Il faut pourtant bien que je fasse mon salut ! Tu m’as envoyée ce matin à Paris porter une lettre à notre maître ; M. le curé a bien voulu m’entendre au confessionnal cette après-dînée, j’ai profité de sa bonne volonté.

— Soit ; mais, jarnigué ! tâche de gagner le paradis sans m’exposer à geler de froid !

À peine les deux époux sont-ils entrés dans la maisonnette, que Michel prête l’oreille du côté de la grille et dit vivement :

— J’entends le trot d’un cheval. — Puis, ressortant, il regarde dans l’avenue à travers la grille, reconnaît Robert Estienne et s’écrie : — Alison, viens vite ; c’est notre maître !

Et le jardinier ouvre les battants de la grille à Robert Estienne ; celui-ci descend de son cheval, dont il remet la bride à son serviteur, lui disant :

— Bonjour, Michel… Quoi de nouveau ici ?

— Ah ! monsieur, beaucoup de choses…

— Vous m’inquiétez… Est-ce que mon hôte courrait quelque danger ? Quelque indiscrétion aurait-elle été commise ?