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— Ce coffret dont il faut s’emparer ?

— Rien de plus facile… Nous nous rendons tous trois au collège Montaigu, nous demandons au portier le numéro de la chambre de l’abbé Lefèvre ; c’est le nom de mon homme…

— Confession ! — s’écria Grippe-Minaud en se signant, — un abbé ! porter encore la main sur un oint du Seigneur !

— Deux sacriléges en un jour ! — ajouta le mauvais-garçon en hochant la tête ; — c’est lourd sur la conscience !

— Et la lettre d’absolution ! — s’écria impatiemment l’aventurier. — Par l’enfer ! dont vous craignez les rôtissures, mes bons catholiques ! avez-vous la foi ou non ?

— C’est vrai, — reprit Picrochole, — il y a la cédule d’absolution… elle nous couvre !

— Donc, — ajouta le franc-taupin, — nous demandons l’abbé Lefèvre sous prétexte d’une affaire urgente, nous montons chez lui, nous frappons ; notre homme, encore au lit, se lève, nous ouvre sa porte ; nous nous précipitons sur lui, vous le bâillonnez, je cherche le coffret en question, je le trouve, j’en suis certain. Nous attachons à son lit l’abbé, toujours bâillonné, afin qu’il ne puisse donner l’alarme ; nous refermons la porte, et nous gagnons au large !

— Oh ! ce serait un jeu, s’il ne s’agissait d’un prêtre ! — dit le tire-laine en interrompant le franc-taupin. — Et puis l’enlèvement de ta nièce ! la violation d’un lieu saint !…

— J’ai dépêché avant-hier mon septième homme ! — ajouta le mauvais-garçon. — Aussi n’ai-je pas, c’est vrai, la conscience tranquille, car, pour acheter l’absolution d’un meurtre, il faudrait payer plus que le meurtre ne me rapporte !… Mais, enfin, un meurtre laïque est une peccadille auprès d’un sacrilége !… Et si, après l’expédition que tu nous proposes, je ne gagne pas aux dés la cédule apostolique ? Saint Cadouin ! je ne rêverai que des flammes éternelles…

— C’est la chance, — reprit Joséphin. — Mais l’heure s’avance, décidez-vous ; est-ce oui ? est-ce non ?