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peine à le reconnaître ; mais lui, quoiqu’il ne m’eût rencontré qu’une fois, me reconnut à ma taille et à l’emplâtre que j’ai sur l’œil. Il me demanda s’il pouvait parler à l’instant à ma sœur ou à mon beau-frère. — Ma sœur est morte, et mon beau-frère se cache, — dis-je à ce religieux. Alors, il m’apprend que ma nièce est enfermée au couvent des Augustines, où lui, moine augustin, a été son confesseur ; que, soumis depuis plusieurs mois à une séquestration rigoureuse, il a pu cependant s’échapper, la surveillance dont on l’entourait s’étant un peu relâchée depuis sa maladie… Quelle maladie ! Pauvre moine ! il était si mièvre, si affaibli, si décharné, qu’il pouvait à peine se soutenir… Ignorant les malheurs de notre famille, il venait révéler aux parents de ma nièce ce qu’il savait d’elle. Il risquait, son évasion découverte, d’être poursuivi ; je le conduisis en un lieu sûr où se cache mon beau-frère. Chemin faisant, j’ai appris du moine ceci : Ma nièce a prononcé ses vœux aujourd’hui ; après quoi, selon la coutume, elle passer la nuit seule en prières dans l’oratoire de la Vierge, séparée de l’église du couvent par l’un des enclos du cloître. Maintenant, attention, mes maîtres, aux renseignements que m’a donnés le moine : Les murailles de la cour de la chapelle longent la ruelle Saint-Benoît. Je suis allé, avant la tombée de la nuit, examiner les murailles ; elles ne sont pas fort élevées ; il nous sera possible de les escalader pendant que l’un de nous fera le guet dans la ruelle.

— Ce sera moi ! — dit vivement Grippe-Minaud ; — je retiens ce poste !… J’ai l’œil d’un lynx, l’oreille d’une taupe !

— Tu fais donc le guet ; moi et Picrochole, nous escaladons la muraille, il m’attend aux abords de la chapelle, afin de me prêter main-forte au besoin, si quelqu’un tentait de s’opposer à l’enlèvement de ma nièce. Je la trouve dans l’oratoire, elle me suit, nous forçons l’une des portes du jardin, je conduis avant la fin de la nuit la pauvre enfant près de son père, où elle sera en sûreté ; puis, au point du jour, nous entreprenons la seconde expédition.