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fession ! c’eût été mon rêve ! — Et le larron se signa de la même manière que son compère le mauvais-garçon.

Ces paroles des deux bandits agréèrent au franc-taupin ; elles lui étaient une nouvelle preuve du mélange de superstition et de scélératesse habituel à ces bandits ; leur fanatisme servait ses projets. Il reprit :

— Ma nièce n’a pas de vocation religieuse ; elle a été conduite et retenue par force à ce couvent, il faut qu’elle en sorte… Veux-tu m’aider à l’enlever ?

— Saint Cadouin ! — s’écria le mauvais-garçon avec terreur et se signant de nouveau, — un sacrilége !

— Violer un lieu saint ! — reprit Grippe-Minaud, pâlissant et se signant comme Picrochole ; — confession ! les cheveux m’en dressent sur la tête !…

Les deux brigands, muets de stupeur, s’entre-regardèrent tremblants, effarés ; le franc-taupin ne parut pas surpris de leurs scrupules et ajouta :

— Mauvais-garçons et tire-laines sont bons catholiques, je le sais ; aussi, rassurez-vous, mes dévots ! j’ai le pouvoir de vous absoudre…

— Vas-tu nous conter que tu es commissaire apostolique ?

— Qu’importe, si je vous assure une indulgence plénière ?

— Toi… toi, Joséphin ?…

— Moi…

— Tu nous bernes ! Et tu prétendais n’être plus bon raillard ?

L’aventurier, séparé des deux larrons par la largeur de la table, plaça son épée entre ses jambes, planta devant lui sa dague nue et à sa portée, puis il tira de la poche de ses larges chausses un parchemin… C’était la lettre d’absolution d’Hervé, ramassée par le franc-taupin au seuil de la maison de sa sœur lors de l’arrestation de la famille Lebrenn. Il déplia la cédule apostolique, la tint ouverte et bien en vue des deux brigands et leur dit :

— Regardez et lisez !