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— Mort-de-ma-sœur ! — s’écria le franc-taupin avec un accent d’incurable désespoir, — il y a dans mon cœur un vide que rien ne remplira !

Et il cacha son visage entre ses mains.

— Le vide a du bon quand on le fait dans la bourse d’un bourgeois, — dit Grippe-Minaud, tandis que son compagnon reprit :

— Donc, Joséphin, tu avais une sœur… tu ne l’as donc plus ?

— Elle est morte !… — murmura le franc-taupin, étouffant un sanglot ; puis, se contenant, il ajouta : — Il me reste une nièce…

— Une nièce ? — dit le mauvais-garçon. — Est-ce à elle qu’il faut rendre service ? Est-elle jeune et jolie ? Je…

Le bandit n’acheva pas, il se tut devant le coup d’œil terrible que lui lança l’aventurier ; puis il reprit :

— Je t’ai connu meilleur raillard autrefois…

— Je ne ris plus… — répondit le franc-taupin d’un air sinistre ; — ma gaieté s’en est allée !… Arrivons au fait… Ma sœur, morte en prison, où j’ai pu du moins une dernière fois la voir, a laissé deux enfants : un fils et une fille… Le fils… ne compte plus…

— Comment cela ?

— Je m’entends… La fille de ma sœur a été arrêtée, conduite au couvent des Augustines, où elle est à cette heure enfermée…

— Saint Cadouin ! de quoi te plains-tu ? Avoir une nièce au couvent, c’est presque avoir pour soi un ange au paradis ! — Et le mauvais-garçon se signa dévotement en portant son pouce de son nez à son menton, puis de l’un à l’autre des coins de sa bouche. — Ah ! que n’ai-je sœur, fille ou nièce au couvent ! elles prieraient pour la rémission de mes péchés… je serais sans souci, comme le poisson dans l’eau.

— Et leurs prières ne te coûteraient pas un denier ! — ajouta Grippe-Minaud en soupirant. — Ah ! si ma fille Marotte ne s’était, à quatorze ans, sauvée avec un argoulet ! elle serait à cette heure au couvent, priant pour son bon cher petit père le tire-laine !… Con-