Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 10.djvu/235

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

jamais, je le sens, rivé ma chaîne ; je traînerai ce fatal amour jusqu’au tombeau…


… Impossible de sortir de mon couvent ! Je suis l’objet d’une surveillance de tous les moments ; le soupçon et la haine veillent autour de moi. Comment prévenir la famille d’Hêna de la contrainte que l’on exerce sur elle ? Les jours se passent ; je tremble que, sans s’arrêter à mes observations, basées sur ce que l’instruction religieuse d’Hêna n’est pas assez avancée, l’abbesse des Augustines ne la force à prononcer ses vœux… Mon Dieu ! vous le savez, si j’étais assez misérable pour écouter la voix d’un jaloux et exécrable égoïsme, j’éprouverais une sorte de joie en songeant qu’Hêna, ne pouvant m’appartenir, ne serait à personne après son entrée en religion… Non, non, au prix de ma triste vie, si je le pouvais, je rendrais cette infortunée à ses parents ; vous l’avez si divinement douée, ô mon Dieu ! qu’elle doit être le saint orgueil d’une famille…


… Oh ! la famille !… une épouse !… des enfants ! .. les sentiments les plus doux, les plus chers, les plus sacrés qui puissent élever l’âme à la hauteur de tes desseins providentiels, ô céleste Créateur !… la famille !… cet ineffable sanctuaire des vertus domestiques m’est à jamais fermé…


… Et qui me l’a fermé, ce sanctuaire ? Est-ce ta volonté, Dieu juste ! toi qui as donné une compagne à l’homme ? Non, non, ni la parole, révélée par tes prophètes, ni la parole de ton Fils, notre Rédempteur, n’ont dit à tes prêtres :

« — Vous resterez en dehors de l’humanité ; vous êtes au-dessus ou au-dessous des grands devoirs qu’impose cette sainte mission :