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êtes victime ? Quoi qu’il en soit, ma sœur, comptez sur mon vif désir de vous être utile ; c’est un devoir pour moi de vous consoler, de vous soutenir dans votre cruelle situation ; je n’oublierai jamais de quels soins affectueux j’ai été entouré par votre famille lorsqu’elle m’a recueilli blessé sur le pont au Change.

Tels ont été, bonne mère, les conseils de frère Saint-Ernest-Martyr. Je les ai d’abord suivis ; mais il lui fut impossible de sortir de son couvent ni de vous écrire, n’osant se confier pour cela aux autres moines. Je ne peux vous exprimer ses touchants regrets, ses larmes, en songeant aux inquiétudes, aux chagrins dont mon pauvre père et mon oncle devaient être bourrelés dans leur ignorance de mon sort ; frère Saint-Ernest-Martyr trouvait les plus affectueuses paroles pour m’encourager, puisant dans la vie du Christ des exemples d’une résignation sublime. Et puis, si tu savais, mère, quel tendre souvenir il conservait de notre accueil ! quelle vénération il témoignait pour toi et mon père, en reconnaissant, disait-il, la pureté, l’élévation des principes que vous m’avez enseignés !… Oh ! il ne vous traite pas d’hérétiques, lui !…

Hélas ! bonne mère, je devais être frappée d’un coup douloureux : frère Saint-Ernest-Martyr cessa soudain de venir me donner l’instruction religieuse ; il fut remplacé dans ce soin par un autre moine augustin ; depuis ce jour, je n’ai plus revu mon ange consolateur…

Tant d’afflictions me rendirent gravement malade ; je sentis, à la peine que me causait l’absence de frère Saint-Ernest-Martyr, combien je l’aimais ! Cet amour, il ne le soupçonne pas, il l’ignorera toujours ; aussi, mère, je ne rougis pas de mon aveu… Mais mon cœur se brise à la pensée de ce qui me reste à t’apprendre…

Frère Saint-Ernest-Martyr, afin de gagner du temps, dans l’espoir de ma délivrance, avait souvent répondu à la supérieure, impatiente de me voir prononcer mes vœux, que je n’étais pas encore suffisamment instruite pour être reçue professe ; un autre moine augustin le remplaça, et fut chargé de me catéchiser. Il m’inspirait un éloi-