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sons d’amour… Ces chansons, la corruption des mœurs de notre temps les a presque toujours faites grossières ou obscènes ; d’ordinaire, l’esprit, le cœur, deviennent l’écho de ce que dit la bouche, de ce qu’entend l’oreille, de ce qui occupe la pensée. Ne serait-ce point un grand bien de substituer à ces chants licencieux de chastes chants, attrayants par l’amour ? Ce pourquoi j’ai songé à mettre en vers et en musique les saints cantiques de l’Écriture, si souvent parfumés d’une poésie adorable et divine, espérant que peu à peu les chanteuses, pénétrées de l’ineffable vertu de ces chants célestes, les diront, non plus des lèvres, mais du plus profond de leur cœur ; et alors seraient comblés mes vœux, exprimés par ces vers destinés à servir de préface à nos psaumes :

Ô vous, dames et damoiselles,
Que Dieu fit pour être son temple,
Et faites, sous mauvais exemple,
Retentir et chambres et salles
De chansons mondaines et sales ;
Je veux ici vous présenter
De quoi sans offense chanter.
Et sachant que point ne vous plaisent
Chansons qui de l’amour se taisent,
Celles qu’ici présenter j’ose,
Ne parlent certes d’autre chose,
Ce n’est qu’amour… Amour lui-même,
Dans sa sapience suprême,
Les composa, et l’homme vain
N’en a été que l’écrivain ;
Amour duquel parlant je voys (je vais),
A fait en vous langage et voix
Pour chanter ses hautes louanges,
Non point celles de dieux étranges
Qui n’ont ni pouvoir ni aveu
De faire en vous un seul cheveu ;
L’amour dont je veux que chantez
Ne rendra vos cœurs tourmentés
Ainsi que l’autre… mais sans doute
Il vous remplira l’âme toute
De ce plaisir solacieux
Que sentent les anges aux cieux[1].

  1. Épître dédicatoire des cinquante Psaumes français, par Clément Marot. (Société de l’Histoire du protestantisme français, vol. II., p. 35.)