Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 10.djvu/215

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

prêcher, moi, et encore moins lire et écrire. Je suis accoutumé, dès mon noviciat, à mes grandes aises, à l’ignorance, à la fainéantise, ce pourquoi je soutiens l’Église de Rome, qui soutient mon ignorance, mes grandes aises et ma fainéantise… » — Ensuite de ce moine, j’expérimentai la tête d’un abbé ; oh ! elle était terrible, terrible ! elle ne voulait supporter l’alambic, elle regimbait, mordait, rageait dans de noires colères vindicatives, ne voulant point absolument que l’on vît ce qu’il y avait dedans elle ; je parvins cependant à séparer ses parties, savoir : la colère noire et pernicieuse d’un côté ; l’ambition et l’orgueil de l’autre ; les pensées de meurtre intestin que notre abbé nourrissait contre ses ennemis ; après quoi je reconnus que sa superbeté, son avarice, sa vindicative, le rendraient toujours réfractaire à la douceur, à l’humilité de l’Évangile… J’expérimentai pour lors un conseiller du parlement, le plus fin Gautier qu’on sût voir ; et ayant distillé mon galant dans mon alambic, je trouvai que dedans son ventre il avait plusieurs gros morceaux de bénéfice dont il s’était tellement engraissé, qu’il crevait dans ses chausses ; quoi voyant, je lui dis : — « Viens çà… N’est-ce point pour conserver tes gros morceaux de bénéfices que tu ferais le procès aux réformés ? N’est-ce pas damnable ? « — Quoi damnable ? — me répondit-il ; — il y aurait donc infiniment de damnés, car en notre cour souveraine du parlement et dans toutes les cours de France, il est bien peu de conseillers ou de présidents qui ne possèdent quelque morceau de bénéfice ecclésiastique qui aide à entretenir les dorures, les accoutrements, les banquets, les menus plaisirs de la maison et la grasse cuisine ? Or, bélître de potier (à moi il parlait), si la réforme triomphait, est-ce que nos bénéfices ecclésiastiques ne s’en iraient pas à vau-l’eau ? et avec eux toutes nos petites et grandes réjouissances ? Et c’est pour cela que nous vous brûlons, païens ! » — Quoi entendant, je m’écriai : Ô pauvres chrétiens, où en êtes-vous ? Vous avez contre vous les cours du parlement, les grands seigneurs, qui profitent aussi des bénéfices ; or tant qu’ils seront repus d’un tel po-