Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 10.djvu/213

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

volontairement à des idolâtries, à des abus qui font sa puissance et sa richesse ; jamais un roi catholique, consacré par l’Église et s’appuyant sur elle comme elle s’appuie sur lui, ne reconnaîtra volontairement la réforme. La réforme nie l’autorité du pape ; attaquer le pape, c’est attaquer les rois ; ébranler l’autel, c’est ébranler le trône ; toutes les autorités sont solidaires, parce que toutes les libertés le sont aussi. Enfin, vous dites : « Que demandons-nous ? À exercer paisiblement notre culte en nous conformant aux lois du royaume. » Mais les lois du royaume défendent formellement l’exercice de tout autre culte que celui de l’Église catholique ; que faire alors ? Ou confesser notre foi et subir les rigueurs des lois ; ou leur échapper en abjurant ; ou leur résister par les armes. Obtiendrons-nous des édits de tolérance ? J’en doute ; et fussent-ils obtenus, ils ne nous offriraient aucune sécurité, étant révocables d’un moment à l’autre ; nous serions toujours sous le couteau !… Il faudra donc opter forcément entre l’abjuration, — le martyre passif, — ou la révolte ouverte. — Le sang des martyrs est fécond ; mais le sang des soldats combattant pour le plus sacré des droits est fécond aussi… Je termine. Nous ne devons, nous ne pourrons, selon moi, espérer ni l’autorisation ni la tolérance de notre culte ; tôt ou tard, poussés à bout par la persécution, nous serons obligés de repousser la violence par la violence. Envisageons donc résolument cette nécessité terrible ; mais disons-nous ceci pour la paix de notre conscience : À cette heure encore, il dépend de l’Église de Rome et du roi de France de mettre terme au supplice de nos frères, de prévenir à jamais les maux affreux des guerres civiles et religieuses ; il suffit pour cela d’un arrêt d’une ligne ; cet arrêt, le voici : — Chacun peut, librement, publiquement, exercer sa religion en respectant la croyance d’autrui… — Cet arrêt, si juste, si simple, consacrant la plus inviolable des libertés, cet arrêt, seule solution équitable et pacifique de la question religieuse, croyez-vous que, sur notre humble requête, il sera rendu ?