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rons tellement dans sa divinité, que nous ne le dépouillons pas de son humanité ; nous croyons et confessons que Dieu, en envoyant son Fils, a voulu montrer son ineffable bonté envers nous ; en le livrant à la mort et le ressuscitant pour accomplir toute justice et nous acquérir la vie céleste ? »

les réformés. — Gloire à Dieu ! — il nous a envoyé son Fils pour nous racheter par son sang !

christian lebrenn, à part. — Alors, pourquoi nous damner tout d’abord afin de nous racheter ensuite ? Ô Christ ! pauvre artisan de Nazareth, ami des affligés, des repentis et des déshérités ! toi que notre aïeule Geneviève a vu supplicier à Jérusalem, ma raison te comprend, t’aime et te vénère ! Tu ne t’enveloppes pas d’une nuée impénétrable, menaçante ; je vois ton pâle et doux visage entouré d’une auréole sanglante et empreint d’une souffrance toute humaine. Ta divine parole est accessible même à l’intelligence des petits enfants, que tu aimais tant ; ta morale évangélique doit être et sera le code de l’humanité ! Combien de temps encore tes espérances seront-elles déçues ? Les fers des esclaves seront brisés, as-tu dit, il y a quinze cents ans et plus ; et ces pharisiens qui s’appellent tes prêtres ont, durant des siècles, possédé des esclaves, puis des serfs, et aujourd’hui ils comptent leurs vassaux par milliers !… Aimez-vous les uns les autres ! as-tu dit ; et ces pharisiens qui s’appellent tes prêtres ont fait couler, font couler à cette heure des torrents de sang chrétien, car ils confessent et pratiquent ta loi avec foi, amour et courage, ces réformés, ces hérétiques ! Je ne partage pas leurs croyances judaïques ; mais je suis de cœur, et d’âme avec eux lorsqu’ils combattent les iniquités, les cruautés, les idolâtries sacrilèges de l’Église de Rome ! je suis de cœur et d’âme avec eux lorsqu’ils dévouent leur vie au triomphe de ton règne, ô Christ ! homme ou Dieu ! au nom de l’égalité, de la fraternité humaine ! Là est la vraie force, la puissance véritable de la réforme. Qu’importe ces dogmes mosaïstes du péché originel, de la fatalité du mal, de la méchanceté native de l’homme ? Ces dogmes ne