Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 10.djvu/192

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cité sacrilége d’une doctrine innocentant, encourageant les plus détestables passions de l’humanité, tels sont les procédés de cet homme effrayant. Il l’a dit avec une profonde connaissance de la corruption de nos tristes temps, où la superstition semble augmenter en raison de la scélératesse : — « Toutes les voies s’aplaniront devant les pénitents d’un jésuite ; un manteau tutélaire couvrira leurs crimes ; ce sera quelque chose de redoutable d’encourir leurs ressentiments ! »

— Ah ! je vous l’avoue, monsieur, j’ai frémi en entendant cet homme distribuer l’empire du monde à ses disciples au nom de cette doctrine impie… Elle doit, il faut l’avouer avec douleur, donner aux jésuites une action formidable tant que l’homme ne sera pas régénéré ; mais, grâce à Dieu, la réforme compte aussi des disciples dévoués !

— Oui ; et quoique encore en petit nombre, ils appartiennent à des rangs divers ; tout ce qui pense, tout ce qui porte en soi le sentiment de la dignité humaine et de la liberté de conscience, l’horreur des abus, des scandales, des forfaits, depuis si longtemps commis au nom d’un Dieu de justice et de paix, tous les esprits droits, purs, généreux, sont avec nous ; la réunion de ce soir vous le prouvera, je l’espère. Savants, poètes, commerçants, artisans éclairés comme vous, monsieur Lebrenn ; riches bourgeois, gens d’épée, viendront confesser la vérité évangélique.

— Hélas ! monsieur, c’est une terrible extrémité que la guerre civile… cependant viendra peut-être le jour où les gens d’épée seront nécessaires à la défense de la réforme !

— Ah ! puisse ce jour néfaste n’arriver jamais ! Mon avis est que l’on doit pousser jusqu’aux dernières limites la patience, la résignation, le respect des lois et de l’autorité royale ; mais s’il fallait tirer l’épée, non pour imposer par la violence l’Église évangélique, grand Dieu ! je répudierais cet attentat de toutes les forces de ma conviction ; mais s’il fallait défendre notre vie, celle de nos frères, contre une sanglante persécution, les défenseurs ne manqueraient pas à