Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 10.djvu/183

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pu l’accompagner, obligé de rester ici auprès d’Hêna en l’absence de mon père. Nous sommes bien inquiets en songeant que notre mère sera forcée de revenir ici seule au milieu de la nuit…

— Seule ! Et moi donc, ventre saint Quenet ! à quoi suis-je bon, sinon à veiller sur ma sœur ! — reprit Joséphin. — Je cours de ce pas chez la Catelle ; je ramènerai votre mère… Soyez sans inquiétude, chers enfants ; bonsoir… À mon retour, je vous embrasserai si vous n’êtes pas couchés.

Le franc-taupin s’éloigna en toute hâte ; Hervé ferma la fenêtre et se rapprocha d’Hêna, qui lui dit :

— Pourquoi as-tu engagé notre oncle à aller ce soir chercher ma mère ? Elle doit rester toute la nuit auprès de la Catelle… Tu ne me réponds pas… voilà ta figure redevenue sombre… Mon Dieu ! qu’as-tu ?… Mon frère, mon frère, ne me regarde pas ainsi… je suis toute tremblante…

— Hêna, je t’aime… je t’aime d’amour !…

— Je… ne sais pas ce… que… tu veux dire… mais tu me fais peur…

— L’amour que tu ressens pour ce moine, que j’abhorre… je le ressens pour toi !

— Hervé… ton esprit s’égare… tu ne songes pas à tes paroles…

— Il faut que tu sois à moi !…

— Grand Dieu ! est-ce que je deviens folle aussi ?… est-ce que c’est vrai… ce que je vois… ce que j’entends…

— Hêna !…

— Ne m’approche pas !…

— Es-tu belle !… es-tu belle !…

— Grâce… Hervé… mon frère… tu n’as donc plus ta raison ?… Reconnais-moi donc, c’est moi… Hêna… ta sœur… moi qui suis là devant toi… à tes genoux…

— Viens…

— Au secours !… ma mère !… mon père !…