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pour revenir ; mon père ne doit pas être de retour avant minuit… j’ai deux heures à moi…

Et pressant sur son cœur d’une main convulsive le scapulaire contenant la lettre d’absolution, Hervé rentra dans la chambre où Hêna se trouvait seule.


Hervé, de retour dans la chambre haute, vit, du seuil de la porte, sa sœur agenouillée ; surpris, il s’avança et lui dit :

— Hêna, que fais-tu ?

— J’ai prié Dieu qu’il veille sur notre mère et qu’il rende la santé à notre pauvre amie, — répondit la jeune fille en se relevant ; puis, essuyant ses yeux pleins de larmes, elle ajouta en soupirant : — Malgré moi, j’ai le cœur attristé ! Pourvu qu’il n’arrive aucun malheur à notre mère… — Ce disant, la jeune fille s’assit devant son métier de broderesse ; son frère prit place à côté d’elle sur un escabeau qu’il approcha, et après quelques moments de silence :

— Hêna, te rappelles-tu qu’il y a environ trois mois j’ai soudain changé de manière d’être avec toi ?

La jeune fille, assez surprise du commencement de cet entretien, répondit en s’occupant de sa broderie :

— Pourquoi me rappeler ces mauvais jours, mon frère ? Grâce au ciel, ils sont passés, ils ne reviendront plus…

— Te rappelles-tu, — poursuivit Hervé sans tenir compte de l’observation de sa sœur, — te rappelles-tu que, loin d’aller au-devant de tes caresses, je les repoussais ?

— Je ne veux pas me souvenir de cela, Hervé ; je ne m’en souviens plus maintenant…

— Hêna… j’avais fait alors dans mon cœur une étrange découverte…

— Quelle découverte ?

— Je t’aimais !…