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— Il faut nous préparer par le saint sacrifice de la messe au dernier acte de cette grande journée… il faut recevoir le saint corps de Jésus, nous, son intrépide milice ! nous, les Jésuites !… — Puis, s’adressant à Lefèvre : — Tu as apporté ce qu’il faut pour dire la messe ; cette pierre, — et il montra du geste le bloc derrière lequel se cachaient Christian et Justin, — cette pierre nous servira d’autel.

Lefèvre ouvre le paquet dont il s’était chargé, il en retire un surplis, une chasuble, un évangile, une étole, un calice, une boîte d’hosties, et deux petits flacons de vin et d’eau ; il se revêt des habits sacerdotaux, tandis que l’un des disciples prend la torche de cire, s’agenouille et éclaire l’autel improvisé, sur lequel les autres jésuites disposent les objets nécessaires à la célébration du sacrifice divin. Il s’accomplit devant Loyola et ses disciples ; la voix de Lefèvre, officiant et psalmodiant, trouble seule le silence de cette solitude, vaguement éclairée par les reflets rougeâtres du flambeau de cire. Le moment de la communion venu, les sept fondateurs de la compagnie de Jésus reçoivent avec onction l’Eucharistie ; l’office terminé, Loyola se redresse d’un air inspiré et dit à ses disciples :

— Et maintenant, venez, venez…

Il sort en boitant, suivi de ses acolytes, laissant sur le bloc de pierre les objets du culte.

Christian et Justin, à peine les jésuites éloignés, abandonnent avec précaution leur cachette, épouvantés du secret qu’ils viennent de surprendre, Christian pouvant à peine croire que Lefèvre, l’un de ses plus anciens amis et dont les idées inclinaient jadis à la réforme, soit devenu l’un des plus ardents sectaires de Loyola.

— Les voilà dehors, — dit tout bas Justin à son compagnon ; — je n’ai pas une goutte de sang dans les veines… fuyons !

— Quelle imprudence ! nous pouvons rencontrer ces fanatiques… Ils vont sans doute revenir ici ; attendons leur départ.

— Non, non, je ne reste pas un instant de plus ici ; j’ai peur de ces hommes !…