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pera, quels qu’ils soient, où qu’ils soient, et par tous les moyens possibles, de sorte que le pénitent d’un jésuite pourra prétendre à tout et ce sera quelque chose d’effrayant d’encourir ses ressentiments !…

— Ainsi, vous avez foi dans le triomphant accomplissement de notre œuvre ?

— Une foi absolue.

— Cette foi, qui vous l’a donnée ?

— Toi, maître, toi, Ignace de Loyola, de qui le souffle nous inspire.

— L’œuvre est immense : dominer le monde !… et nous ne sommes que sept !…

— Maître, tu nous commandes, nous sommes légion !

— Sept… seulement sept, mes fils… sans autre force que notre foi à notre œuvre ?

— Maître, la foi soulève des montagnes… Commande, nous soulèverons des montagnes.

— Oh ! mes vaillants disciples ! — s’écria Ignace de Loyola en se dressant sur sa béquille, — quelle joie pour moi de vous voir ainsi pénétrés de ma substance, nourris de la moelle de mes doctrines !… Debout ! debout ! le moment est venu d’agir… voilà pourquoi je vous ai, ce soir, réunis ici, à Montmartre, où si souvent je suis venu méditer dans cet antre, cette seconde caverne de Manrès où, en Espagne, après de longues réflexions, j’ai entrevu la profondeur, l’immensité de mon œuvre… Oui, pour vous y associer à cette œuvre, j’ai brisé, dompté, absorbé vos personnalités ; oui, j’ai fait de vous des instruments aussi dociles qu’un bâton dans la main d’un vieillard ; oui, j’ai pris vos âmes ; oui, vous n’êtes maintenant entre mes mains que des cadavres ! Oh ! mes chers cadavres ! mes bâtons ! mes serviles ! glorifiez votre servitude… elle vous donne l’empire du monde !…

Les disciples de Loyola l’écoutaient dans un religieux silence ; il resta un moment abîmé dans la contemplation de son épouvantable orgueil, rêvant la domination universelle, puis il reprit :