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en guet-apens. Je viens vous faire cet aveu, à vous, mon confesseur ?

« — Mon fils (répondrai-je), si vous avez commis le meurtre, non pour le meurtre en lui-même, mais pour échapper aux dangers que votre ennemi pouvait vous susciter, vous n’avez point péché ; il est, en ce cas, licite de tuer son ennemi en cachette sans courir les chances d’un duel[1]. »

— Je suis juge ; je m’accuse d’avoir, moyennant un présent reçu de l’une des parties, rendu un arrêt en sa faveur ?

« — Où est le mal, mon fils (répondrai-je) ? Vous avez, en considération de ce présent, rendu un arrêt favorable au donateur ; ne pouviez-vous, par votre seul bon plaisir, favoriser tout autre[2] ? »

— Je suis usurier ; je m’accuse d’avoir retiré un gros pécule de mon argent ?

« — Mon fils (répondrai-je), voici dorénavant comment il vous faut conduire en pareille matière : Quelqu’un vous demande un prêt, vous répondez : — Je n’ai point d’argent à prêter ; mais j’en ai à placer à profit honnête. Si donc vous me garantissez le remboursement de mon capital, et de plus un bénéfice certain, je vous confierai la somme pour que vous la fassiez valoir ; mais je ne vous la prêterai point[3]. Du reste, mon fils, vous n’avez pas péché si l’intérêt que vous avez reçu de votre argent a été simplement à vos yeux un marque de gratitude de l’emprunteur, et non une condition de prêt[4]. »

— Je suis banqueroutier ; je m’accuse d’avoir soustrait à la connaissance de mes créanciers une grosse somme d’argent ?

« — Mon fils (répondrai-je), le péché est grave si vous avez détenu cette somme par basse cupidité ; mais si vous avez uniquement voulu vous assurer, à vous et à votre famille, une existence honorable, soyez absous[5]. »

— Je suis femme ; je m’accuse d’avoir été adultère, et d’avoir ainsi

  1. Ibid., p. 90.
  2. Ibid., p. 105.
  3. Ibid., p. 105.
  4. Ibid., p. 106.
  5. Ibid., p. 108.