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messe ! — s’écrie-t-il, se voyant déjà chevauchant, bouffant, piaffant, rigoulant, paradant, et surtout loyolisant ! — Oui, noble seigneur, cette boiterie disparaîtra, — répondent les rebouteurs, — … il nous faut, premièrement, casser votre jambe là où elle a été déjà cassée… secondement, seigneur, il nous faut proprement disséquer la chair qui recouvre la portion d’os qui saille au-dessous de votre genou… tiercement, scier dextrement ledit os… moyennant quoi, le daim des bois sera moins agile que votre excellence… — Cassez ! recassez ! disséquez ! sciez ! par la mort-Dieu ! — s’écrie le capitaine Loyola ; — mais que je marche droit !… » Ainsi dit, ainsi fait…

— Il a consenti ?

— À cœur joie… et sur l’heure !

— Mais ces opérations devaient lui causer d’atroces douleurs ?

— Ventre saint Quenet ! lorsque l’on a scié l’os, le grincement de dents du capitaine Loyola couvrait le grincement des dents de scie !…

— Et la guérison ?

— Parfaite… Néanmoins, il restait la cuisse gauche non encore débandée ; mais les fraters juraient sur leurs lancettes que ce membre serait autant, sinon plus sain qu’avant sa cassure… Au bout de six semaines, le capitaine Loyola se lève pour essayer de marcher, il marche… gloire aux rebouteurs ! Il ne boitait plus, il est vrai, de la jambe droite… mais, diavol ! sa cuisse gauche s’était raccourcie de deux pouces, en vertu du ratatinement d’un tendon blessé… Voilà mon galant clopin-clopant !

— Quelle dut être la fureur de don Ignace !

— Tigres hurlants, lions rugissants, auraient été agnelets bêlants auprès du capitaine Loyola en sa forcennerie. « Cher et doux maître, — lui dit son vieux majordome, — que les saints vous assistent… Pourquoi désespérer ? Les fraters ont merveilleusement guéri votre jambe droite ; pourquoi ne guériraient-ils pareillement