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haine des exactions de la royauté française, se donne aux Anglais ; mais après une année de guerres désastreuses, ils sont contraints (fin 1453) de quitter cette province. Charles VII continue, par ses folles prodigalités, d’épuiser les ressources de ses peuples ; son ardeur pour la débauche augmente avec l’âge. Sa maîtresse Antoinette de Villequier, toujours entourée de belles damoiselles d’honneur, les prostituait à son royal amant ; de bons courtisans lui vendaient leurs filles ou leurs femmes, ainsi que le sire de Villequier lui avait vendu la sienne. Malgré le redoublement de ses excès et de sa crasse insouciance, Charles VII, en vieillissant, éprouvait de sinistres appréhensions au sujet de son fils, le dauphin Louis. Ce prince, rusé, perfide, d’une cruauté sournoise, moitié tigre, moitié renard, vivant retiré dans son apanage du Dauphiné, s’y comportait en souverain indépendant, comme un deuxième roi de France ; en cette qualité, il accablait d’impôts les Dauphinois. Ils se plaignent à Charles VII ; il enjoint à son fils d’alléger les taxes, ou du moins d’en partager avec lui les profits. Louis reste sourd à cette cupidité ; alors son père lui signifie l’ordre de revenir auprès de lui, l’avertissant qu’en cas de refus, il irait paternellement le chercher à la tête d’une armée. Louis, malgré cette menaçante invitation, ne bouge de son Dauphiné, sachant l’aversion qu’il inspirait à Charles VII, et craignant de périr à la cour par le fer ou le poison ; très-superstitieux d’ailleurs, il faisait offrande sur offrande à ses bonnes saintes, Notre-Dame de Cléri ou Notre-Dame d’Embrun, afin de détourner de lui le courroux de son père ; mais, en homme avisé, ne se fiant pas seulement à ses patenôtres, il rassemble le ban et l’arrière-ban de sa province, afin de repousser l’armée de Charles VII. Le comte de Dammartin, soudard féroce, coupable et capable de tous les crimes, entre en Dauphiné à la tête d’une forte avant-garde ; Louis recule devant les chances d’une bataille, se réfugie en Bourgogne, après de son bel oncle le duc Philippe, et Charles VII pressure à son gré l’apanage de son fils. Celui-ci réclame sa part des impôts, il est traité de rebelle