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mit un terme à ces manœuvres. — Enfin, au lieu de commettre des exactions en Languedoc, l’argentier avait puissamment enrichi cette province industrieuse, en offrant de nouveaux et immenses débouchés à son négoce avec les Levantins. — Jacques Cœur, fort de son bon droit, de sa conscience, voulut se défendre contre ces absurdes calomnies ; on lui refusa le droit d’en appeler à une foule de gens de bien dont il invoquait les dépositions. Il demanda que l’on prît connaissance de ses livres de commerce ; ils étaient, disait-on, brûlés. En un mot, tout moyen de justification lui fut interdit, et après deux années d’une cruelle captivité, convaincu (selon ses ennemis) de concussion, de crime de lèse-majesté et autres forfaits, il fut condamné à perdre la tête ; on confisqua tous ses biens, sur lesquels Charles VII s’adjugea encore quatre cent mille écus à titre de restitution ! après quoi ce bon sire poussa la clémence jusqu’à commuer la peine capitale infligée au condamné en un bannissement éternel. Jacques Cœur, blessé à mort par l’exécrable ingratitude de Charles VII, termina ses jours dans l’île de Chio peu de temps après son exil. Perte doublement funeste ; car les finances, sagement ordonnées par l’argentier, recommencèrent d’être en proie aux dilapidations de la cour. Afin de combler le gouffre de ses prodigalités, Charles VII eut recours à des impôts écrasants ; ils parurent d’autant plus odieux que, grâce à la sagesse de l’administration de Jacques Cœur, les taxes étaient devenues plus modérées. La Guyenne, après l’expulsion des Anglais, avait obtenu de Charles VII la promesse qu’il n’exigerait ni nouveaux impôts, ni levées d’hommes de guerre, sans l’aveu de l’assemblée provinciale ; mais à bout de ressources, ce prince frappe, malgré ses promesses, une taxe de deux cent mille écus sur la Guyenne. Bordeaux, capitale de cette province, et d’autres villes révoltées contre les nouveaux édits, qui ruinaient le pays et lui enlevaient sa population la plus valide, demandent, dans leur rébellion, secours à l’Angleterre ; ses vaisseaux entrent à Bordeaux, y débarquent des troupes sous les ordres du vieux Talbot, jadis battu par Jeanne Darc. La Guyenne, en