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renoncent à leurs noms de famille et prennent des noms de saints, tels que : frère Saint-Pierre-ès-liens, Saint-Sébastien-percé-de-flèches, Saint-Laurent-sur-le-gril

— Oh ! les tristes noms !… ils donnent le frisson !…

— Enfin, — reprit Hervé, qui ne cessait d’attacher son regard profond et inquisiteur sur Hêna, — frère Saint-Ernest-Martyr s’éloigne précipitamment avec son précieux fardeau, et quelqu’un dit : « — Pour certain, ce bon moine va porter ce pauvre petit chez Marie-la-Catelle… »

— Nous y voilà ! — s’écrie ingénument Hêna ; — j’en étais sûre, c’est mon moine !…

— Comment, ton moine ? — demanda en souriant Brigitte, qui descendait de l’étage supérieur et dont le cœur s’épanouissait en voyant son fils et sa fille s’entretenir cordialement ainsi qu’autrefois. — De quel moine parles-tu d’un ton si possessif, chère Hêna ?

— Mère, te rappelles-tu le jour où nous sommes allées à l’école de la Catelle ?

— Sans doute… Digne jeune veuve, que cette bonne Marie-la-Catelle. L’école qu’elle a fondée pour l’instruction des enfants pauvres est une œuvre de touchante charité, qui doit aussi beaucoup à Jean Dubourg, drapier de la rue Saint-Denis, et à un riche bourgeois, M. Laforge ; ils viennent généreusement en aide à la Catelle, et sa sœur Marthe, épouse de Poille, l’architecte-maçon, partage avec elle les soins maternels qu’elle donne aussi à quelques orphelins recueillis dans sa maison, qu’on appelle à juste titre « la maison du bon Dieu… »

— Lorsque nous sommes allées chez la Catelle, — poursuivit Hêna, — te souviens-tu, mère, que c’était l’heure de l’école ?

— Oui… un moine augustin faisait la leçon aux enfants groupés autour de lui, les uns assis à ses pieds, les autres sur ses genoux, l’écoutant à plaisir, ces chers petits…

— Et moi aussi, mère, je l’écoutais comme eux avec plaisir ; il