Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 10.djvu/110

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dix-septième année, d’une taille svelte et accomplie, elle portait ses épais cheveux blonds cendrés tressés en deux nattes qui encadraient son rose et frais visage et se rejoignaient à la naissance de son cou ; la suavité de ses traits, d’une angélique beauté, eût inspiré le divin Raphaël Sanzio. Blanche comme un lis, elle en avait le pudique éclat ; la candeur, la bonté, se lisaient dans l’azur de ses yeux. Souvent ils s’arrêtaient avec ravissement, sur ce méchant frère tant chéri dont la pauvre enfant s’était crue désaimée. Assise près de lui, occupée d’un travail de couture, elle se sentait, comme autrefois, remplie d’une douce confiance envers Hervé, et celui-ci semblait redevenu affectueux et riant comme autrefois ; tous deux, par un tacite accord, écartant toute allusion à un passé pénible, s’entretenaient aussi familièrement que si leur fraternelle intimité n’eût jamais subi la moindre atteinte. Hervé, malgré son empire sur lui-même, et sa dissimulation profonde, sentait le besoin de parler pour parler, cherchant à s’étourdir par le son des paroles, afin d’échapper à l’obsession de sa pensée secrète, et choisissant au hasard le sujet de l’entretien. Le frère et la sœur continuaient ainsi leur conversation, tandis que Brigitte était montée momentanément à l’étage supérieur :

— Hervé, — disait la jeune fille à son frère en réfléchissant, — quel âge semblait-il avoir, ce moine ?

— Que sais-je ?… vingt-cinq ans peut-être.

— Sa figure était à la fois belle, triste et douce, n’est-ce pas ? Sa barbe est un peu plus claire que ses cheveux châtains ; ses yeux sont noirs, et il est très-pâle ?

Hêna, en causant ainsi avec son frère, continuait de coudre ; elle ne put remarquer l’expression de surprise et de sombre inquiétude qui se trahit soudain sur les traits d’Hervé. Cependant, il dit à sa sœur en souriant :

— Voilà un signalement complet… il faut regarder bien attentivement les gens pour conserver d’eux un souvenir si présent. Puis, qui te porte à croire que le moine dont il est question soit ce beau