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tique, afin d’engager M. Lebrenn à ne pas aller visiter sa provision de poivre ; l’autre portait une épaisse barbe grise. Ils descendirent de leur siège, et Dupont, le mécanicien, entra dans la boutique, salua madame Lebrenn, et lui dit :

— Monsieur Lebrenn n’y est pas, madame ?

— Non, monsieur.

— Ce sont trois caisses de glaces que nous lui apportons.

— Très-bien, monsieur, — répondit madame Lebrenn.

Et, appelant Gildas :

— Aidez ces messieurs à entrer ces glaces ici.

Le garçon de magasin obéit tout en se disant :

— Étonnante maison !… Trois caisses de glaces… et d’un poids !… Il faut que le patron, sa femme et sa fille aiment fièrement à se mirer…

Dupont et son compagnon à barbe grise venaient d’aider Gildas à placer les caisses dans l’arrière-magasin, d’après l’indication de madame Lebrenn, lorsqu’elle lui dit :

— Sait-on quelque chose de nouveau, monsieur ? Le mouvement dans Paris se calme-t-il ?

— Au contraire, madame… ça chauffe… ça chauffe, — répondit Dupont avec un air de satisfaction à peine déguisée. — On commence à élever des barricades au faubourg Saint-Antoine… Cette nuit les préparatifs… demain la bataille…

À peine Dupont achevait-il ces mots, qu’on entendit au dehors et au loin un grand tumulte et un formidable bruit de voix criant : Vive la réforme !

Gildas courut à la porte.

— Dépêchons-nous, — dit Dupont à son compagnon ; — on prendrait notre camion comme noyau d’une barricade… Ce serait trop tôt ; nous avons encore des pratiques à servir… — Puis, saluant madame Lebrenn : — Bien des choses à votre mari, madame.

Les deux hommes sautèrent sur le siège de leur camion, fouettè-