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— Je suis pressé. Parlons d’affaires. Je reviens d’une longue tournée en France. Nous touchons à une révolution.

— Que dites-vous, mon oncle ? — s’écria le colonel d’un air incrédule. — Vous croyez ?…

— Je crois à une révolution.

— Mais, mon oncle…

— As-tu des fonds disponibles ? Si tu n’en as pas, j’en ai à ton service.

— Des fonds… pourquoi faire ?

— Pour les convertir en or, en bon papier sur Londres. C’est plus commode en voyage…

— Ah çà ! mon oncle, quel voyage ?

— Celui que tu feras en m’accompagnant. Nous partirons ce soir.

— Partir… ce soir !

— Aimes-tu mieux servir la république ?

— La république ! — demanda M. de Plouernel, qui tombait des nues. — Quelle république ?

— Celle qui sera proclamée ici, à Paris, avant peu, après la chute de Louis-Philippe.

— La chute de Louis-Philippe ! la république ! en France… et avant peu !

— Oui, la république française, une, indivisible… proclamée à notre profit… Seulement sachons attendre…

Et le cardinal sourit d’un air étrange en aspirant une prise de tabac.

Le comte le regardait avec ébahissement. Il reprit :

— Comment, mon oncle, vous parlez sérieusement ?

— Ah çà ! mon pauvre Gontran, tu es donc aveugle ? sourd ? — reprit le cardinal en haussant les épaules, — Et ces banquets révolutionnaires qui durent en France depuis trois mois ?

— Ah, ah, ah ! mon oncle, — dit le comte en riant ; — vous croyez ces buveurs de vin bleu ! ces mangeurs de veau… à vingt sous par tête… capables de…