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promettre te dire que mon adorable boutiquière est de la rue Saint-Denis.

À ces mots, la jeune fille, qui jusqu’alors, étendue dans un fauteuil, faisait indolemment tourbillonner la fumée de son cigare, tressaillit, et se releva si brusquement, que M. de Plouernel la regardant avec surprise, s’écria :

— Que diable as-tu ?

— J’ai… — reprit Pradeline en reprenant son sang-froid et secouant sa jolie main avec une expression de douleur, — j’ai que je me suis horriblement brûlée avec mon cigare… mais ce ne sera rien. Tu disais donc, mon cher, que tes amours demeuraient rue Saint-Denis ? c’est déjà quelque chose, mais pas assez.

— Tu n’en sauras cependant pas davantage, petite.

— Maudit cigare ! — reprit la jeune fille en secouant de nouveau sa main ; — ça me cuit… oh ! mais ça me cuit…

— Veux-tu un peu d’eau fraîche ?

— Non, ça passe… Or donc, tes amours demeurent dans la rue Saint-Denis… Mais, un instant, mon cher… Est-ce dans le haut ou dans le bas de la rue ? car c’est encore quelque chose de très différent que le haut ou le bas de la rue ; à preuve que les boutiques sont plus chères dans un endroit que dans un autre. Or, selon le plus ou moins de cherté du loyer, la générosité doit être plus ou moins grande… Hein ? c’est ça qui est fort !

— Très-fort. Alors je te dirai que mes amours ne demeurent pas loin de la porte Saint-Denis.

— Je n’en demande pas davantage pour donner ma consultation, — répondit la jeune fille d’un ton qu’elle s’efforça de rendre comique. Mais un homme plus observateur que M. de Plouernel eût remarqué une vague inquiétude dans l’expression des traits de Pradeline.

— Eh bien, voyons ! que me conseilles-tu ? lui dit-il.

— D’abord, il faut… — Mais la jeune fille s’interrompit, et dit :

— On a frappé, mon cher.