quelque aisance et pignon sur rue ? Qu’ai-je à faire, n’est-ce pas, dans un parti dont le but est l’avènement des prolétaires à la vie politique par le suffrage universel ? et à la propriété par l’organisation du travail ? Eh ! mon brave Georges, c’est justement parce que j’ai… qu’il est de mon devoir d’aider mes frères à conquérir ce qu’ils n’ont pas.
— Ce sont là, monsieur, de généreux sentiments, — s’écria Georges ; — car bien rares sont les hommes qui, arrivés au but avec labeur, se retournent pour tendre la main à leurs frères moins heureux…
— Non, Georges, non, cela n’est pas rare. Et lorsque dans quelques heures peut-être… vous verrez courir aux armes tous ceux de notre société dont je suis un des chefs depuis longtemps, vous y trouverez des commerçants, des artistes, des fabricants, des gens de lettres, des avocats, des savants, des médecins, des bourgeois enfin, vivant pour la plupart comme moi dans une modeste aisance, n’ayant aucune ambition, ne voulant que l’avènement de leurs frères du peuple, et désireux de déposer le fusil après la lutte pour retourner à leur vie laborieuse et paisible.
— Ah ! monsieur, combien je suis surpris, mais heureux, de ce que vous m’apprenez !
— Encore surpris ! pauvre Georges ! Et pourquoi ? parce qu’il y a des bourgeois ? Voilà le grand mot, des bourgeois républicains socialistes ! Voyons, Georges, sérieusement, est-ce que la cause des bourgeois n’est pas liée à celle des prolétaires ? Est-ce que moi, par exemple, prolétaire hier, et que le hasard a servi jusqu’ici, je ne peux pas, par un coup de mauvaise fortune, redevenir prolétaire demain, ou mon fils le devenir ? Est-ce que moi, comme tous les petits commerçants, nous ne sommes pas à la discrétion des hauts barons du coffre-fort ? comme nos pères étaient à la merci des hauts barons des châteaux-forts ? Est-ce que les petits propriétaires ne sont pas aussi asservis, exploités par ces ducs de l’hypothèque, par ces marquis de l’usure, par ces comtes de l’agio ? Est-ce que chaque jour, malgré probité, travail, économie, intelligence, nous ne sommes pas, nous,