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Le jeune homme détourna la tête pour essuyer ses pleurs, se leva et dit au marchand :

— Je ne puis, monsieur, faire le serment que vous me demandez.

— Ainsi… votre mariage avec ma fille…

— Je dois y renoncer, monsieur, — répondit Georges d’une voix étouffée.

— Ainsi donc… monsieur Georges, — reprit le marchand, — vous en convenez ? vous appartenez à une société secrète ?

Le silence du jeune homme fut sa seule réponse.

— Allons, — dit le marchand avec un soupir de regret. Et il se leva. — Tout est fini… Heureusement ma fille a du courage…

— J’en aurai aussi, monsieur…

— Monsieur Georges, — reprit M. Lebrenn en tendant la main au jeune homme, — vous êtes homme d’honneur. Je n’ai pas besoin de vous demander le silence sur cet entretien. Vous le voyez, je ressentais pour vous les meilleures dispositions. Ce n’est pas ma faute si mes projets… je dirai plus… mes désirs… mes vifs désirs… rencontrent un obstacle insurmontable.

— Jamais, monsieur, je n’oublierai la preuve d’estime dont vous venez de m’honorer. Vous agissez avec la sagesse, avec la prudence d’un père… Je ne puis… quoi que j’aie à en souffrir, qu’accepter avec respect votre décision. J’aurais dû même, je le reconnais, aller au devant de votre question à ce sujet… vous dire loyalement l’engagement sacré qui me liait à mon parti. Sans doute… je vous aurais fait cet aveu… lorsque, revenu de mon enivrement, j’aurais réfléchi aux devoirs que m’imposait ce bonheur inespéré… cette union… Mais pardon, monsieur, — ajouta Georges avec des larmes dans la voix — pardon, je n’ai plus le droit de parler de ce beau rêve… Mais ce dont je me souviendrai toujours avec orgueil, c’est que vous m’avez dit : Vous pouvez être mon fils.

— Bien, monsieur Georges… je n’attendais pas moins de vous, — reprit M. Lebrenn en se dirigeant vers la porte.