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à vous reprocher la séduction indigne… dont on vous accusait…

— Monsieur, ne vous ai-je pas juré ?…

— Parfaitement ; je vous crois. Je ne rappelle cette première condition que pour mémoire… quant à la seconde… car il y en a deux.

— Et cette condition, quelle est-elle, monsieur ? — demanda Georges avec une anxiété inexprimable et commençant à craindre de s’être abandonné à une folle espérance.

— Écoutez-moi, monsieur Georges. Nous avons peu parlé politique ensemble ; du temps que vous travailliez chez moi, nos entretiens roulaient surtout sur l’histoire de nos pères. Cependant je vous sais des opinions très-avancées…… Tranchons le mot, vous êtes républicain socialiste.

— Je vous ai entendu dire, monsieur, que toute opinion sincère était honorable…

— Je ne me dédis pas. Je ne vous blâme pas ; mais entre le désir de faire prévaloir pacifiquement son opinion et le projet de la faire triompher par la force, par les armes… il y a un abîme, n’est-ce pas, monsieur Georges ?

— Oui, monsieur, — répondit le jeune homme en regardant le marchand avec un mélange de surprise et d’inquiétude.

— Or, ce n’est jamais individuellement que l’on tente une démonstration armée, n’est-ce pas, monsieur Georges ?

— Monsieur, — répondit le jeune homme avec embarras, — je ne sais…

— Si, vous devez savoir qu’ordinairement l’on s’associe à des frères de son opinion ; en un mot, on s’affilie à une société secrète… et le jour de la lutte… on descend courageusement dans la rue, n’est-ce pas, monsieur Georges ?

— Je sais, monsieur, que la révolution de 1830 s’est faite ainsi, — répondit Georges, dont le cœur se serrait de plus en plus.

— Certainement, — reprit M. Lebrenn, certainement, elle s’est