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et comme le choix qu’a fait Velléda est digne d’elle et de nous, ma femme et moi, après mûres réflexions, nous serions décidés à vous prendre pour gendre…

Il est impossible de rendre l’expression de surprise, d’ivresse, qui se peignit sur les traits de Georges à ces paroles du marchand ; il restait muet et comme frappé de stupeur.

— Ah çà ! monsieur Georges, — reprit M. Lebrenn en souriant, — qu’y a-t-il de si extraordinaire, de si incroyable dans ce que je vous dis là ? Durant trois mois vous avez travaillé dans ma boutique ; je savais déjà que pour assurer l’existence de votre grand-père vous vous étiez fait soldat. Votre grade de sous-officier et deux blessures prouvaient que vous aviez servi avec honneur. Pendant votre séjour chez moi, j’ai pu, et j’ai l’œil assez pénétrant, apprécier tout ce que vous valiez comme cœur, intelligence et habileté dans votre état. Enchanté de nos relations, je vous ai engagé à revenir souvent me voir. Votre réserve, à ce sujet, est une nouvelle preuve de votre délicatesse. Par-dessus tout cela, ma fille vous aime, vous l’aimez. Vous avez vingt-sept ans, elle en a dix-huit. Elle est charmante, vous êtes beau garçon. Vous êtes pauvre, j’ai de l’aisance pour deux. Vous êtes ouvrier, mon père l’était. De quoi diable vous étonnez-vous si fort ? Ne dirait-on pas d’un conte de fées ?

Ces bienveillantes paroles ne mirent pas terme à la stupeur de Georges, qui se croyait réellement en plein conte de fées, ainsi que l’avait dit le marchand ; aussi, les yeux humides, le cœur palpitant, le jeune homme ne put que balbutier :

— Ah ! monsieur… pardonnez à mon trouble… mais j’éprouve un tel étourdissement de bonheur en vous entendant dire… que vous consentez à mon mariage…

— Un instant ! — reprit vivement Lebrenn, — un instant ! Remarquez que, malgré ma bonne opinion de vous, j’ai dit nous serions décidés à vous prendre pour gendre… Ceci est conditionnel… et les conditions, les voici : la première, que vous n’auriez pas