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gner. Je proposai à Joséphine de nous unir ; elle parut enchantée, fixa elle-même le jour de notre mariage… Et ceux-là ont menti, monsieur, qui vous ont parlé de séduction et d’abandon !

— Je vous crois, — dit M. Lebrenn en tendant cordialement la main au jeune homme. — Je suis heureux de vous croire ; mais comment votre mariage a-t-il manqué ?

— Huit jours avant l’époque de notre union, Joséphine a disparu, m’écrivant que tout était rompu. J’ai su, depuis, que, cédant aux mauvais conseils d’une amie déjà perdue, elle l’avait imitée… Ayant toujours vécu dans la misère, enduré de dures privations, malgré son travail de douze à quinze heures par jour… Joséphine a reculé devant l’existence que je lui offrais, existence aussi laborieuse, aussi pauvre que la sienne.

— Et comme tant d’autres, — reprit M. Lebrenn, — elle aura succombé à la tentation d’une vie moins pénible ! Ah ! la misère… la misère !

— Je n’ai jamais revu Joséphine, monsieur….. Elle est à cette heure, m’a-t-on dit, une des coryphées des bals publics… elle a quitté son nom pour je ne sais quel surnom motivé sur son habitude d’improviser à propos de tout les plus folles chansons… Enfin, elle est à jamais perdue. Cependant elle avait d’excellentes qualités de cœur… Vous comprenez maintenant, monsieur, la cause de ma triste émotion de tout à l’heure, lorsque vous m’avez parlé de Joséphine.

— Cette émotion prouve en faveur de votre cœur, monsieur Georges… On vous avait calomnié… Je m’en doutais. Maintenant, j’en suis certain. Ne parlons plus de cela. Voici ce qui s’est passé chez moi il y a trois jours : J’étais, le soir, chez ma femme avec ma fille. Depuis quelque temps elle semblait pensive ; soudain elle nous dit, en prenant ma main et celle de sa mère : « J’ai quelque chose à vous confier à tous deux. J’ai longtemps différé, parce que j’ai longtemps réfléchi, afin de ne pas parler légèrement… J’aime monsieur Georges Duchêne. »