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— Ces hordes de bandits francs…

— Dis donc ces cosaques ! nom d’un nom !

— Pis encore, s’il est possible, grand-père… Ces bandits francs, ces cosaques, si vous voulez, appelaient leurs chefs des rois ; cette graine de rois s’est perpétuée dans notre pays, d’où vient que depuis tant de siècles nous avons la douceur de posséder des rois d’origine franque, et que les royalistes appellent leurs rois de droit divin.

— Dis donc de droit cosaque !… Merci du cadeau !

— Les chefs se nommaient des ducs, des comtes ; la graine s’en est également perpétuée chez nous, d’où vient encore que nous avons eu pendant si longtemps l’agrément de posséder une noblesse d’origine franque, qui nous traitait en race conquise.

— Qu’est-ce que tu m’apprends-là ! — dit le bonhomme avec ébahissement. — Donc, si je te comprends bien, mon garçon, ces bandits francs, ces cosaques, rois et chefs, une fois maîtres de la Gaule, se sont partagé les terres que les Gaulois avaient en partie reconquises sur les Romains ?

— Oui, grand-père ; les rois et seigneurs francs ont volé les propriétés des Gaulois, et se sont partagé terres et gens comme on se partage un domaine et son bétail.

— Et nos pères ainsi dépouillés de leurs biens par ces cosaques ?

— Nos pères ont été de nouveau réduits à l’esclavage comme sous les Romains, et forcés de cultiver pour les rois et les seigneurs francs la terre qui leur avait appartenu, à eux Gaulois, depuis que la Gaule était la Gaule.

— De sorte, mon garçon, que les rois et seigneurs francs, après avoir volé à nos pères leur propriété, vivaient de leurs sueurs…

— Oui, grand-père ; ils les vendaient, hommes, femmes, enfants, jeunes filles, au marché. S’ils regimbaient au travail, ils les fouaillaient comme on fouaille un animal rétif, ou bien les tuaient par colère ou cruauté, de même que l’on peut tuer son chien ou son cheval ; car nos pères et nos mères appartenaient aux rois et aux seigneurs francs