Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 1.djvu/35

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Gaulois, ils font, comme vous dites, appel à cette bonne vieille mère l’insurrection ; elle ne fait pas défaut à ses braves enfants ; et ceux-ci, à force de persévérance, d’énergie, de sang versé, parviennent à reconquérir une partie de leur liberté sur les Romains, qui, d’ailleurs, n’avaient pas débaptisé la Gaule, et l’appelaient la Gaule romaine.

— De même qu’on dit aujourd’hui l’Algérie française ?

— C’est ça, grand-père.

— Allons, voilà, Dieu merci, nos braves Gaulois, grâce au secours de la bonne vieille mère l’insurrection, un peu remontés sur leur bête, comme on dit ; ça me met du baume dans le sang.

— Ah ! grand-père, attendez… attendez !

— Comment ?

— Ce que nos pères avaient souffert n’était rien auprès de ce qu’ils devaient souffrir encore.

— Allons, bon, moi qui étais déjà tout aise… Et que leur est-il donc arrivé ?

— Figurez-vous qu’il y a treize ou quatorze cents ans, des hordes de barbares à demi sauvages, appelés Francs (B), et arrivant du fond des forêts de l’Allemagne, de vrais cosaques enfin, sont venus attaquer les armées romaines, amollies par les conquêtes de la Gaule, les ont battues, chassées, se sont à leur tour emparés de notre pauvre pays, lui ont ôté jusqu’à son nom, et l’ont appelé France, en manière de prise de possession.

— Brigands ! — s’écria le vieillard — J’aimais encore mieux les Romains, foi d’homme ! au moins ils nous laissaient notre nom.

— C’est vrai ; et puis du moins les Romains étaient le peuple le plus civilisé du monde, sauf leur barbarie envers les esclaves ; ils avaient couvert la Gaule de constructions magnifiques, et rendu, de gré ou de force, une partie de leurs libertés à nos pères ; tandis que les Francs étaient, je vous l’ai dit, de vrais cosaques… Et sous leur domination tout a été à recommencer pour les Gaulois.

— Ah ! mon Dieu ! mon Dieu !