Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 1.djvu/304

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Le lendemain, au lever du soleil, le vent se trouvant propice, la mer belle, César a voulu assister au départ des galères romaines ; il a fait venir Albinik. À côté du général était un guerrier de grande taille, à l’air farouche : une armure flexible, faite d’anneaux de fer entrelacés, le couvrait de la tête aux pieds ; il se tenait immobile ; on aurait dit une statue de fer. À sa main, il portait une lourde et courte hache à deux tranchants. L’interprète a dit à Albinik, lui montrant cet homme :

— Tu vois ce soldat… durant la navigation il ne te quittera pas plus que ton ombre… Si par ta faute ou par trahison une seule des galères échouait, il a l’ordre de te tuer à l’instant, toi et ta compagne… Si, au contraire, tu mènes la flotte à bon port, le général te comblera de ses dons ; tu feras envie aux plus heureux.

— César sera content… — a répondu Albinik.

Et suivi pas à pas par le soldat à la hache, il a monté, ainsi que Méroë, sur la galère prétorienne, dont la marche guidait celle des autres ; on la reconnaissait à trois flambeaux dorés, placés à sa poupe.

Chaque galère portait soixante-dix rameurs, dix mariniers pour la manœuvre des voiles, cinquante archers et frondeurs armés à la légère, et cent cinquante soldats bardés de fer de la tête aux pieds.

Lorsque les galères eurent quitté le rivage, le préteur, commandant militaire de la flotte, fit dire, par un interprète, à Albinik, de se diriger vers le nord pour débarquer au fond de la baie du Morbihan, dans les environs de la ville de Vannes, où était rassemblée l’armée gauloise. Albinik, la main au gouvernail, devait transmettre, par l’interprète, ses commandements au maître des rameurs. Celui-ci, au moyen d’un marteau de fer, dont il frappait une cloche d’airain, d’après les ordres du pilote, indiquait ainsi, par les coups lents ou redoublés du marteau, le mouvement et la cadence des rames, selon qu’il fallait accélérer ou ralentir l’allure de la prétorienne, sur laquelle la flotte romaine guidait sa marche.

Les galères, poussées par un vent propice, s’avançaient vers le nord. Selon l’interprète, les plus vieux mariniers admiraient la har-