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D’un bout à l’autre, cette vallée ne fut bientôt plus qu’une fournaise, qu’un océan de flammes…

Et non-seulement les maisons, les bourgs, les villes de ces vallées ont été livrés aux ravages de l’incendie, mais il en a été ainsi de toutes les contrées qu’Albinik et Méroë ont traversées durant une nuit et un jour de marche qu’ils ont mis à se rendre de Vannes à l’embouchure de la Loire, où était établi le camp de César.


Oui, tous ces pays ont été incendiés par leurs habitants, et ils ont abandonné ces ruines fumantes pour aller se joindre à l’armée gauloise, rassemblée aux environs de Vannes.

Ainsi a été obéie la voix du chef des cent vallées, qui avait dit ces paroles, répétées de proche en proche, de village en village, de cité en cité :

« Que dans trois nuits, à l’heure où la lune, l’astre sacré de la Gaule, se lèvera, tout le pays, de Vannes à la Loire, soit incendié ! Que César et son armée ne trouvent sur leur passage ni hommes, ni toits, ni vivres, ni fourrages, et partout… partout… des cendres, la famine, le désert et la mort !… »

Cela a été fait ainsi que l’ont ordonné les druides et le chef des cent vallées.

Ceux-là, qui ont assisté à ce dévouement héroïque de chacun et de tous au salut de la patrie, ont vu une chose que personne n’avait vue… une chose que personne ne verra peut-être plus désormais… Ainsi, du moins, ont été expiées ces fatales dissensions, ces rivalités de province à province, qui pendant trop longtemps, et pour le triomphe de leurs ennemis, ont divisé les Gaulois.

La nuit s’est passée, le jour aussi, et les deux époux ont traversé tout le pays incendié, depuis Vannes jusqu’à l’embouchure de la Loire, dont ils approchaient. Au soleil couché, ils sont arrivés à un endroit où la route qu’ils suivaient se partageait en deux.

— De ces deux chemins, lequel prendre ? — dit Albinik ; — l’un doit nous rapprocher du camp de César, l’autre doit nous en éloigner.