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goisse sur la profondeur de ces vallées, que l’ombre envahissait de plus en plus… Le soleil avait disparu ; mais la lune, alors dans son décours, ne paraissait pas encore…

Il y eut ainsi, entre le coucher du soleil et le lever de la lune, un assez long espace de temps. Cela fut poignant pour les deux époux, comme l’attente certaine de quelque grand malheur.

— Vois, Albinik, — a dit tout bas la jeune femme à son époux, quoiqu’ils fussent seuls, car il est des instants redoutables où l’on se parlerait bas au milieu d’un désert, — vois donc… pas une lumière ! pas une !… dans ces maisons… dans ces villages… dans cette ville… La nuit est venue… et tout dans ces demeures reste ténébreux comme la nuit…

— Les habitants de ce pays vont se montrer dignes de leurs frères, — a répondu Albinik avec respect. — Ceux-là aussi vont répondre à la voix de nos druides vénérés, et à celle du chef des cent vallées

— Oui, à l’effroi dont je suis saisie, je sens que nous allons voir une chose que nul n’a vue jusqu’ici… que nul ne verra peut-être désormais…

— Méroë, aperçois-tu là-bas… tout là-bas… derrière la cime de cette forêt… une faible lueur blanche ?…

— Je la vois… c’est la lune qui va bientôt paraître… Le moment approche… Je me sens frappée d’épouvante… Pauvres femmes !… pauvres enfants !…

— Pauvres laboureurs !… ils vivaient depuis tant d’années, heureux sur cette terre de leurs pères ! sur cette terre fécondée par le travail de tant de générations !… Pauvres artisans ! ils trouvaient l’aisance dans leurs rudes métiers !… Oh ! les malheureux !… les malheureux !… Quelque chose égale leur grande infortune… c’est leur héroïsme !… Méroë… Méroë !… — s’est écrié Albinik, — la lune paraît… Cet astre sacré de la Gaule va donner le signal du sacrifice…

— Hésus !… Hésus !… — a répondu la jeune femme, les joues