Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 1.djvu/253

Cette page a été validée par deux contributeurs.

de l’île de Sên, dis ? que faire pour apaiser la colère du tout-puissant ?

— Mon père et ma mère m’honorent trop en m’appelant sainte, — répondit la jeune vierge. — Comme les druides, moi et mes compagnes, nous méditons la nuit, sous l’ombrage des chênes sacrés, à l’heure où la lune se lève. Nous cherchons les préceptes les plus simples et les plus divins pour les répandre parmi nos semblables ; nous adorons le Tout-Puissant dans ses œuvres, depuis le grand chêne qui lui est consacré jusqu’aux humbles mousses qui croissent sur les roches noires de notre île… depuis les astres dont nous étudions la marche éternelle, jusqu’à l’insecte qui vit et meurt en un jour… depuis la mer sans bornes… jusqu’au filet d’eau pure qui coule sous l’herbe. Nous cherchons la guérison des maux qui font souffrir ; et nous glorifions ceux de nos pères et de nos mères qui ont illustré la Gaule. Par la connaissance des augures et l’étude du passé, nous tâchons de prévoir l’avenir, afin d’éclairer de moins clairvoyants que nous. Comme les druides, enfin, nous instruisons l’enfance, nous lui inspirons un ardent amour pour notre commune et chère patrie… aujourd’hui si menacée par le courroux de Hésus !… parce que les Gaulois ont trop longtemps oublié qu’ils sont tous fils d’un même Dieu et qu’un frère doit ressentir la blessure faite à son frère !

— L’étranger qui a été notre hôte et que ce matin j’ai conduit à l’île de Sên, — reprit le brenn, — nous a parlé comme toi, chère fille…

— Ma mère et mon père peuvent écouter comme saintes les paroles du chef des cent vallées. Hésus et l’amour de la Gaule l’inspirent.

— Lui ! chef de cent vallées ? Il est donc bien puissant ? — reprit Joel. — Il a refusé de me dire son nom ! Le sais-tu, chère fille ? Sais-tu quelle est sa province ?

— Il était impatiemment attendu hier soir à l’île de Sên par le vénérable Talyessin. Quant au nom de ce voyageur, tout ce qu’il m’est permis de dire à mon père et à ma mère, c’est que le jour où notre