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maines viennent nous attaquer par mer, jamais les corbeaux de mer n’auront vu sur nos grèves pareil régal de cadavres !

— En passant à travers les autres tribus, — reprit Mikaël, — nous avons cette nuit répandu la nouvelle et semé l’alarme… Les magistrats de Vannes ont aussi envoyé de tous côtés, pour ordonner que des feux allumés de colline en colline signalent dès cette nuit un grand danger d’un bout à l’autre de la Bretagne.

Mamm’Margarid, toujours filant sa quenouille, avait écouté les paroles de ses fils. Alors elle dit tranquillement :

— Et ces officiers romains ? mes enfants, est-ce qu’on ne les a point renvoyés à leur armée… après les avoir rudement battus de verges ?

— Non, ma mère, on les a mis en prison à Vannes, sauf deux de leurs soldats que les magistrats ont chargés de déclarer au général romain qu’on ne lui fournirait aucun approvisionnement, et que ses officiers seraient gardés en otage.

— Il valait mieux battre ces officiers de verges et les chasser honteusement de la ville, — reprit Mamm’Margarid. — On traite ainsi les voleurs, et ces Romains voulaient nous voler…

— Tu as raison, Margarid, — dit Joel, — ils venaient nous voler… nous affamer ! nous enlever nos récoltes ! nos troupeaux ! — ajouta Joel avec grande colère. — Par la vengeance de Hésus ! nous prendre notre bel attelage de six jeunes bœufs à poil de loup ! nos quatre couples de taureaux noirs qui ont une si jolie étoile blanche au milieu du front !

— Nos belles génisses blanches à tête fauve ! dit Mamm’Margarid en haussant les épaules et toujours filant, — nos brebis dont la toison est si épaisse ! Allons, des verges… mes fils, des verges à ces Romains !

— Et ces rudes chevaux de la race de ton fier étalon Tom-Bras, Joel, — reprit le voyageur, — ils vont pourtant charroyer tes récoltes, tes fourrages, jusqu’en Touraine, et servir ensuite à remonter la ca-