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que j’ai forgé pour lui ; je le mettrai demain sur votre bûcher à tous deux…

— Et tu diras à Armel, — ajouta le marin en souriant, — qu’il s’en est allé trop tôt, car son ami Albinik et sa femme Méroë lui auraient raconté leur dernier voyage sur mer…

— C’est moi et Armel qui, à notre tour, aurons plus tard à t’en faire de beaux récits, Albinik, — reprit Julyan souriant avec confiance ; — car tes voyages sur mer ne seront rien auprès de ceux qui nous attendent dans ces mondes merveilleux que personne n’a vus et que tout le monde verra.

Lorsque les deux fils de Margarid eurent répondu aux tendresses de leur mère et de leur famille, le brenn dit au voyageur :

— Ami, ce sont mes deux enfants.

— Fassent les dieux que la précipitation de leur arrivée ici n’ait pas une cause mauvaise ! — répondit l’inconnu.

— Je dis comme notre hôte, mes fils, — reprit Joel, — que s’est-il passé, pour que vous veniez si tard et si pressés ? Heureux soit ton retour, Albinik ; mais je ne le croyais pas prochain ; où est donc ta gentille femme Méroë ?

— Je l’ai laissée à Vannes, mon père. Voilà ce qui s’est passé : Je revenais d’Espagne par le golfe de Gascogne, m’en allant en Angleterre ; le mauvais temps d’aujourd’hui m’a forcé d’entrer dans la rivière de Vannes. Mais, par Teutâtès, qui préside à tous les voyages sur terre et sur mer, ici-bas et ailleurs, je ne m’attendais pas… non, je ne m’attendais pas à voir ce que j’ai vu dans la ville. Aussi, laissant mon navire au port, à la garde de mes matelots sous la surveillance de ma femme, j’ai pris un cheval et galopé jusqu’à Auray ; la, j’ai dit la nouvelle à Mikaël, et nous sommes accourus ici afin de vous prévenir, mon père.

— Et qu’as-tu donc vu à Vannes ?

— Ce que j’ai vu ? tous les habitants soulevés par l’indignation et par la colère, en braves Bretons qu’ils sont !