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raille… Cependant, les dogues ayant cessé d’aboyer, quoique l’on heurtât toujours fortement, Joel dit à sa famille :

— Quoique l’on continue de frapper, les chiens n’aboient plus ; ils connaissent ceux qui frappent.

Et disant ces mots, le brenn sortit de sa maison : plusieurs des siens et l’inconnu le suivirent par prudence. La porte de la cour fut ouverte, et l’on entendit deux voix qui criaient de l’autre côté de la palissade :

— C’est nous, amis, c’est nous.. Albinik et Mikaël.

En effet, à la clarté de la lune on vit les deux fils du brenn, et derrière eux leurs chevaux essoufflés et blancs d’écume. Lorsqu’il eut embrassé tendrement ses enfants, surtout le marin, qui voyageait sur mer depuis près d’une année, Joel entra avec eux dans sa maison, où ils furent accueillis avec beaucoup de joie et de surprise par leur mère et par toute la famille.

Albinik, le marin, et Mikaël, l’armurier, étaient, comme leur père et leur frère, très-grands et très-robustes ; ils portaient, par-dessus leurs vêtements, un manteau à capuchon, en grosse étoffe de laine et ruisselant de pluie. À leur entrée dans la maison, et même avant d’aller embrasser leur mère, les deux nouveaux venus avaient approché leurs lèvres des sept petites branches de gui baignant dans la coupe de cuivre placée sur la grosse pierre. Là, ils avaient vu un corps inanimé à demi couvert de feuillages, auprès duquel se tenait toujours Julyan.

— Bonsoir, Julyan, — lui dit Mikaël. — Qui donc est mort ici ?

— C’est Armel ; je l’ai tué ce soir en me battant au sabre avec lui par outre-vaillance, — répondit Julyan.— Mais comme nous nous sommes promis d’être saldunes, demain j’irai le rejoindre… ailleurs ; si tu le veux, je lui parlerai de toi ?

— Oui, oui, Julyan ; car j’aimais Armel, et je croyais le trouver vivant. J’ai dans mon sac, sur mon cheval, un petit fer de harpon,