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CHAPITRE II.


Comment et à propos de quoi le bonhomme Morin, dit le Père la Nourrice, manqua de renverser la soupe au lait que lui avait accommodée son petit-fils Georges Duchêne, ouvrier menuisier, ex-sergent d’infanterie légère. — Pourquoi M. Lebrenn, marchand de toile, avait pris pour enseigne de sa boutique l’Épée de Brennus. — Comment le petit-fils fit la leçon à son grand-père, et lui apprit des choses dont le bonhomme ne se doutait point, entre autres que les Gaulois nos pères, réduits en esclavage, portaient des colliers ni plus ni moins que des chiens de chasse, et qu’on leur coupait parfois les pieds, les mains, le nez et les oreilles.




Pendant que les événements précédents se passaient dans le magasin de M. Lebrenn, une autre scène avait lieu, presque à la même heure, au cinquième étage d’une vieille maison située en face de celle qu’occupait le marchand de toile.

Nous conduirons donc le lecteur dans une modeste petite chambre d’une extrême propreté : un lit de fer, une commode, deux chaises, une table au-dessus de laquelle se trouvaient quelques rayons garnis de livres ; tel était l’ameublement. À la tête du lit, on voyait suspendue à la muraille une espèce de trophée, composé d’un képi d’uniforme, de deux épaulettes de sous-officier d’infanterie légère, surmontant un congé de libération de service, encadré d’une bordure de bois noir. Dans un coin de la chambre, on apercevait, rangés sur une planche, divers outils de menuisier.

Sur le lit, on voyait une carabine fraîchement mise en état, et sur une petite table, un moule à balles, un sac de poudre, une forme pour confectionner des cartouches, dont plusieurs paquets étaient déjà préparés.