terrible bataille… que cette bataille de la Sambre ! — s’écria l’inconnu avec exaltation. — L’armée gauloise avait attendu César sur la rive gauche du fleuve. Trois fois l’armée romaine le traversa, trois fois elle fut forcée de le repasser en combattant jusqu’à la ceinture dans l’eau rougie par le sang… La cavalerie romaine est culbutée, les plus vieilles légions écrasées. César descend de cheval, met l’épée à la main, rallie ses dernières cohortes de vétérans qui lâchaient pied, et, à leur tête, charge notre armée… Malgré le courage de César, la bataille était perdue pour lui… lorsque nous voyons s’avancer à son secours un nouveau corps de troupes.
— Tu dis : Nous voyons s’avancer ? — reprit Joel. — Tu assistais donc à cette terrible bataille ?
Mais l’inconnu, sans répondre, continua :
— Épuisés, décimés par sept heures de combat, nous luttons encore contre ces troupes fraîches… nous luttons jusqu’à l’agonie… nous luttons jusqu’à la mort… Et savez-vous, ajouta l’étranger avec une grande douleur, — savez-vous, vous autres, qui restiez paisibles ici, tandis que vos frères mouraient pour la liberté des Gaules, qui est la vôtre aussi… savez-vous combien il en a survécu ?… des soixante mille combattants de l’armée gauloise ? à cette bataille de la Sambre ?… Il en a survécu cinq cents !…
— Cinq cents !… — s’écria Joel d’un air de doute.
— Je le dis parce que je suis l’un de ceux-là qui ont survécu… répondit fièrement le voyageur.
— Ainsi, ces deux cicatrices récentes que tu portes au visage…
— Je les ai reçues à la bataille de la Sambre…
À ce moment du récit, on entendit au dehors de la maison les dogues de garde aboyer avec furie, pendant que l’on frappait de grands coups à la porte de la palissade. La famille du brenn, encore sous la triste impression des paroles du voyageur, se crut sur le point d’être attaquée : les femmes se levèrent, les petits enfants se jetèrent dans leurs bras, les hommes coururent aux armes suspendues à la mu-